Top

Tunani Matje, du féminisme à la féminité

A l’occasion du 8 mars, je suis ravie de partager avec vous une oeuvre publiée par un ami de longue date. C’est avec honneur et plaisir que nous le recevons sur cette plateforme pour une toute première fois, et dans l’objectif de discuter de la réelle raison de ce livre, du message, de sa vision du féminisme, et de son évolution dans notre société.

1. Kevyn, tu es mon ami et nous avons été au collège ensemble. Pour notre audience qui ne te connait pas, que peux-tu dire sur toi en 2-3 mots ?

Kevyn I. : Honnêtement je suis un homme ordinaire, avec une vie classique, passionné, croyant et un peu rêveur sur les bords. Un africain qui essaye juste de trouver un sens à son existence en essayant d’impacter son environnement, sa famille et sa communauté.

2. En effet, tu le fais avec un si beau projet qu’est ce livre qui parle de féminisme, féminité, parité homme-femme, égalité dans la société, les rôles dans le foyer, etc. Alors nous allons parler de tout ça mais avant, j’aimerai que tu nous dises ce que veut dire « Tunani Matje » ?

En langue Haussa, parlée dans le Nord du Cameroun, Tunani veut dire « les femmes » ou « la femme ». Matje désigne les pensées, les aspirations. « Tunani Matje » signifie les pensées des femmes, ou alors les aspirations des femmes.

Je pars du principe que des femmes plus heureuses, c’est la garantie d’avoir des hommes plus heureux, une humanité plus heureuse.

Kevyn Ibock

3. Comment le prononce t-on ?

En phonétique on aurait un truc du genre TOUNANI MATIé.

4. Au début du livre tu poses une question « les traditions, les tabous, et les interdits que certaines cultures imposent aux femmes ont-ils un fondement suffisamment solide pour être pertinents ? Ou alors, est-ce juste une bonne vieille discrimination ? » Après avoir écrit ce livre quelle réponse donnerais-tu ? 

Pour être tout à fait sincère, je suis un homme très attaché aux traditions, notamment celles qui font le fondement de notre civilisation; lorsque celles-ci sont pertinentes et positives pour toutes les couches de la société. Mais il faut le dire beaucoup de traditions n’honorent pas l’humanité, et derrière celles-ci se cache une réelle volonté d’abuser, de brimer et d’asservir les femmes. Certains ont décidé de priver les femmes de leur espace dans la communauté et il faut que ça cesse.

Kevyn Ibock,

5. C’est assez particulier de voir un homme aborder la question du « féminisme ». Te considères-tu féministe ? Si oui, en quoi ? Si non, pourquoi ?

Alors cette question est certainement la plus difficile à aborder. Oui je me considère féministe au fond, mais en réalité je ne le suis pas. Pas encore en tout cas. Je me reconnais beaucoup dans ce combat humaniste, et ça devrait bien sûr être le cas de tous les hommes. Je pars du principe que des femmes plus heureuses c’est la garantie d’avoir  des hommes plus heureux, une humanité plus heureuse. C’est pourquoi je dis que les hommes et les femmes sont des jumeaux, condamnés à vivre et avancer ensemble. Mais je suis tout aussi persuadé que le féminisme moderne, tel qu’il est abordé aujourd’hui a complètement raté sa vocation et a fait fausse route. Voilà pourquoi je ne le suis pas de façon effective. Dans sa forme actuelle, il accentue le séparatisme entre les hommes et les femmes, pourtant le but est de créer la fusion entre les deux.

6. Lorsqu’on analyse les revendications de certaines femmes, ou de certains courants du féminisme, penses-tu qu’on tend vers un revers c-a-d : renverser la société dite patriarcale pour la remplacer par une société matriarcale ? 

C’est en effet le risque que nous courrons, cette situation, si elle finit par arriver, elle risque de créer une déflagration dans l’équilibre de la société. Ceci peut tres vite accentuer les violences basées sur le genre. Nous devons changer d’angle d’approche dans notre humanité. Il ne s’agit pas de remplacer un privilège par un autre, mais de rééquilibrer les choses.

7. Page 29 « l’entrepreneuriat de l’amour est donc plus que jamais le challenge futur. » j’ai aimé cette phrase. Parce que pour moi ça a deux significations : L’amour ne fait pas de mal. Et ça revient à dire que ce n’est pas une question de femme contre homme mais de justice contre injustice. Qu’en penses-tu ?

C’est tout à fait cela. L’amour est ce qui manque à cette équation. Personne ne veut écouter, agir avec bienveillance. Chacun des sexes campe sur ses positions, c’est une situation contre nature, car les deux sexes ne peuvent être heureux que s’ils s’aiment et s’entraident. Aucune autre alternative n’est possible. Le jour où nous alignerons nos aspirations à celles de l’autre, ce jour-là nous auront trouvé la clé : c’est l’amour le dénominateur commun.

8. Parlons de la soumission. Etant chrétienne, je fais la différence entre soumission et esclavage. Car dans certaines interprétations en occident, être soumise est presque synonyme d’être esclave ou « béni oui oui ». Or de ce que je vois comprends dans la pensée chrétienne, la soumission n’est rien d’autre que d’accepter d’être sous la mission de son homme et l’aider à accomplir cette mission dans le respect et l’amour. Je tiens aussi à souligner que ça exclut toute sorte de toxicité pouvant venir de la part d’un homme se sentant supérieur ou de tout droit sur une femme. Et toi, comment définis-tu ce concept ? 

La soumission, n’est pas une forme d’esclavage. Chez les chrétiens, on ne se soumet pas à un Homme, mais à un ordre établi par Dieu. En se soumettant à son mari, on se soumet en réalité à Dieu. Et ce que les gens ne savent pas, c’est que les hommes aussi sont soumis. Dans ces passages bibliques il est dit que les femmes sont soumises à l’autorité de l’homme dans le foyer, mais l’homme à son tour est soumis à l’autorité du Christ. Certaines femmes ont donc tort d’en faire un combat, car en réalité, l’homme et la femme, se soumettent à l’organisation de la société telle que décidée par Dieu.

Et plus encore, cela est un choix ! Si on adhère à la soumission, on fait un choix. Si on n’y adhère pas, on choisit tout autant. Dans les deux cas, on exprime notre libre-arbitre en acceptant ou pas les lois de Dieu. Quant à l’homme, il doit comprendre qu’être le chef de la famille ne confère pas un privilège de prince, mais plutôt une lourde charge à assumer. Ce n’est pas un rôle de roi que Dieu lui a confié mais plutôt un rôle de serviteur, de protecteur, de guide et de médecin. Il ne peut pas assumer cette charge seul. C’est pourquoi sa femme est sa première conseillère, sa muse, qui doit l’inspirer dans ces décisions.

9. J’ai souvent entendu que les femmes indépendantes ou ambitieuses ont du mal avec la « soumission « . Dans les conversations, les témoignages ou les discussions que tu as pu avoir avec ces femmes ambitieuses, est-ce que tu as ressenti une hostilité de leur part envers la notion de soumission ? 

En majorité, elles sont opposées à ce principe, mais juste parce qu’elles se fient à la mauvaise interprétation de ce précepte. Celles qui comprennent et choisissent de vivre leur foi de cette façon-là le vivent très bien. Elles sont épanouies professionnellement, et elles accordent toujours de l’honneur à leur mari, et tout se passe bien. Comme je l’ai dit c’est juste un choix à faire, et à partir de là, les choses sont simples. En réalité, dès qu’une femme comprend qu’elle n’est pas homme, et qu’un homme n’est pas une femme, les choses sont très claires. Tu sais, je suis profondément convaincu que Dieu a remis le vrai pouvoir à la femme. Et les femmes qui sont conscientes de cela obtiennent tout ce qu’elles veulent dans la douceur, et elles s’épanouissent aisément.

10. A la fin de ton livre, tu vas aborder la féminisation, en quelque sorte du comportement masculin, des mouvements nés d’une frustration de la part des hommes. Je pense que pour le moment on retrouve ce genre de choses en occident. Penses-tu que ça pourrait toucher l’Afrique dans les 5-10 prochaines années ? 

De plus en plus d’hommes qui, voyant les femmes africaines se libérer, se demandent pourquoi ils ne peuvent pas en faire autant. Si nous sommes égaux, pourquoi continuer à payer la dot par exemple ? Ces questionnements sont de plus en plus présents dans nos sociétés en effet.

11. Un mot de la fin pour les hommes ? (Rires)

Aux hommes, je dirais ceci : Impliquons nous dans la cause de l’émancipation des femmes, il n’est pas normal qu’elles se plaignent pour se faire entendre. Si elles ne sont pas heureuses, alors nous avons échoué. Si nous les rendons heureuses, elles nous le rendront certainement. L’homme est le protecteur de la femme, celui qui lui permet de s’envoler et de s’épanouir. Ne nous sentons pas menacés par leur éclosion, mais plutôt prenons cela comme un relai qu’elles prennent pour nous soulager des pesanteurs de la vie.

Rédactrice en chef de Callmerai.fr, passionnée de Jésus, de lecture et de voyages.

Post a Comment